... elle qui en a eu bien peu. Pour l'avoir perdue trop tôt, je n'en ai pas moins gardé le souvenir de ses gestes dans le quotidien, entièrement voués au bien-être de sa famille. J'aime me souvenir d'elle dans ces gestes-là, qui m'ont tant appris, sans mots inutiles, ces mêmes gestes que, parfois, je perpétue pour le bonheur de ceux qui m'entourent. Tout simplement.
Bienvenue chez moi, à vous, explorateurs du net.
Ici tout est souvent improvisé, un peu sens dessus dessous, un peu comme dans mon esprit, ma maison, ma vie, ma devise étant "pas de regrets de ce qui n'a pas été, heureux de ce qui est, et toujours curieux de ce qui sera", et ma seule constante étant le plaisir des mots jusque dans les maux.
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jeudi 22 septembre 2011

"parce que c'était lui, parce que c'était moi", ou de l'amitié

Zeb (à gauche) et Teja (à droite), au milieu du pont de l'Arc-en-ciel
Quelle phrase plus éloquente pourrait-elle traduire l'amitié ? Je me suis souvenue de cette simple référence à un texte de Montaigne, alors que je publiais un doux billet sur le blog de Zeb pour son ami Teja, qui nous a quittés à 22 ans, après une belle vie passée dans la maison de Paola, sans adversité si ce n'est celle liée à l'âge.
Dans la relation qu'il a faite de leurs retrouvailles sur le pont de l'Arc-en-ciel, Zeb a cité cette phrase "parce que c'était lui, parce que c'était moi", tirée de "Les Essais" (livre 1er, chapitre XXVIII), où Montaigne parlait de l'amitié qui l'unissait à La Boétie.
"Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s’entretiennent. En l’amitié de quoi je parle, elles se mêlent et se confondent l’une en l’autre, d’un mélange si universel qu’elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant: «Parce que c’était lui, parce que c’était moi.»
Il y a, au-delà de tout mon discours, et de ce que j’en puis dire particulièrement, je ne sais quelle force inexplicable et fatale, médiatrice de cette union. Nous nous cherchions avant que de nous être vus, et par des rapports que nous entendions l’un de l’autre, qui faisaient en notre affection plus d’effort que ne porte la raison des rapports, je crois par quelque ordonnance du ciel; nous nous embrassions par nos noms. Et à notre première rencontre, qui fut par hasard en une grande fête et compagnie de ville, nous nous trouvâmes si pris, si connus, si obligés entre nous, que rien dès lors ne nous fut si proche que l’un à l’autre. Il écrivit une satyre latine excellente, qui est publiée, par laquelle il excuse et explique la précipitation de notre intelligence, si promptement parvenue à sa perfection. Ayant si peu à durer, et ayant si tard commencé (car nous étions tous deux hommes faits, et lui de quelques années de plus), elle n’avait point à perdre de temps et à se régler au patron des amitiés molles et régulières, auxquelles il faut tant de précautions de longue et préalable conversation. Celle-ci n’a point d’autre idée que d’elle-même, et ne se peut rapporter qu’à soi. Ce n’est pas une spéciale considération, ni deux, ni trois, ni quatre, ni mille: c’est je ne sais quelle quintessence de tout ce mélange, qui, ayant saisi toute ma volonté, l’amena se plonger et se perdre dans la sienne, d’une faim, d’une concurrence pareille. Je dis perdre, à la vérité, ne nous réservant rien qui nous fût propre, ni qui fût ou sien, ou mien.
L’ancien Menander disait celui-là heureux, qui avait pu rencontrer seulement l’ombre d’un ami: il avait certes raison de le dire, même s’il en avait testé. Car à la verité si je compare tout le reste de ma vie, quoiqu’avec la grâce de Dieu je l’aie passée douce, aisée et, sauf la perte d’un tel ami, exempte d’affliction pesante, pleine de tranquillité d’esprit, ayant pris en paiement mes commodités naturelles et originelles sans en rechercher d’autres; si je la compare, dis-je, toute aux quatre années qu’il m’a été donné de jouir de la douce compagnie et société de ce personnage, ce n’est que fumée, ce n’est qu’une nuit obscure et ennuyeuse. Depuis le jour que je le perdis, je ne fais que traîner languissant; et les plaisirs même qui s’offrent à moi, au lieu de me consoler, me redoublent le regret de sa perte." 
Le billet de Zeb se trouve sur son blog "lettre de zébulon le chat à bruno M."
Voici la reproduction du texte (dialogues) de son billet :
ZEB : "Les lueurs de l'aube étaient douces, ce matin-là. Je me suis réveillé tôt, très tôt, sans trop savoir pourquoi, comme mu par l'intuition de devoir être prêt pour un rendez-vous à ne pas manquer. Mes pas me conduisirent au milieu du pont de l'Arc-en-ciel. En quittant la belle vallée fleurie, je souriais en voyant, derrière moi, la vieille Misty, qui ne m'aimait pas trop lorsque nous vivions ensemble, me trouvant un peu turbulent, et la petite Nimbusse, ma fiancée de toujours, celle qui m'avait accompagné bien longtemps dans ma vie en contrebas du pont, en silence, sans jamais me reprocher quoi que ce soit, se pliant volontiers à toutes mes fantaisies, et que j'ai fini par rejoindre ici, heureux de la retrouver telle qu'elle m'avait quitté. Elles somnolaient toutes les deux ensemble, comme les bonnes copines qu'elles étaient, dans les premiers rayons des mille soleils qui irradient ce pays merveilleux qui nous abrite lorsque l'âge ou les maladies terrestres ont raison de nous, où nous sommes toujours heureux d'accueillir les nouveaux arrivants, tous âges confondus, de quelque origine qu'ils soient, pour l'éternité, ce beau statut dont tous nos Humains rêvent tant et que nous, Chats, sommes certains d'acquérir, sans scepticisme aucun, quel que soit notre parcours suivi sans, avec ou chez Eux. Sur le chemin du pont, je croisais Teodolinda, de la Tribu de Paola, venue récemment nous rejoindre, qui discutait avec Dada, encore une de la Tribu… Sur un arbre plein de jouets rigolos s'amusaient comme des fous Esteban et Djanira, les bambini de la Tribu, trop tôt arrachés à celle-ci mais ayant trouvé réconfort ici, sans aucune adversité, sous l'oeil attentifs des adultes. Ils me saluèrent d'un joyeux "Papily Zeb !" et me demandèrent où j'allais ainsi de si bonne heure, me faisant promettre de leur montrer encore quelques tours de magie quand j'aurai le temps, plus tard, lorsque le devoir qui semblait m'appeler aura été rempli... Soudain, mon cœur bondit dans ma poitrine. Le rythme de ma respiration s'accéléra. J'étais à l'entrée du pont et abordais sa montée lorsque je vis, au loin, une silhouette familière qui s'avançait, par l'autre côté, tranquillement vers moi, de sa démarche sûre et altière, du haut de ses 22 ans, avec sa sérénité habituelle qui le faisait apparaître si sage, de cette sagesse que tant de nos congénères lui enviaient et qu'il savait dispenser sans grand discours... Dans les premières étincelles dorées du jour qui allait éclater, je vis briller son beau regard bleu qui illumina tout l'espace… Je compris tout d'un coup pourquoi j'étais au  milieu de ce pont, ce matin-là. Mon vénérable ami Teja venait de l'enjamber, dans la nuit, tranquillement, se coulant dans ce sommeil sans réveil mais si paisible que les Humains n'auraient pas le cœur de nous en sortir… Le mien ne m'avait pas trompé : il fallait que je sois là, tôt, ce matin-là, pour accueillir mon vieil ami, il comptait sur ma fidélité, et pour rien au monde, je n'y aurai failli. "Parce que c'était lui, parce que c'était moi" (*)... C'est lui, c'est moi, aujourd'hui comme hier, et pour l'éternité…"
TEJA : "Ah, Chipie, ma petite-nièce de coeur, je ne doutais point que ton frère, mon honorable ami Zeb, serait là, à l'heure, pour m'accueillir. Comme j'ai été heureux de le revoir, lui, mon fidèle ami ! Je l'ai tout de suite reconnu, de l'autre côté du pont, même si, dans sa précipitation pour ne pas me manquer, il avait oublié de se peigner, il avait les poils de son beau  plastron blanc en bataille ! Qu'importe, nous avions l'air de fringants jeunes premiers lorsque, au milieu du pont, nous nous retrouvâmes avec bonheur ! Ah, cela m'enchante de pouvoir reprendre nos conversations interminables autour d'un verre de lait, en fumant une pipe avec du tabac qui sent bon, ma douce Chipie ! Voilà, je suis heureux, vraiment, je vais pouvoir revoir, en compagnie de Zeb, tous les miens de la Tribu, ainsi que les amis du club, Gribouille, Max, Tigrou, Mistigri, et, surtout les frère et cousin de dame Kali que j'ai connus, Rafi et Ponpon ! La vie est belle, au-delà du pont de l'Arc-en-ciel !"

Quand on parle "amitié", je pense, personnellement aussi, à ce beau poème de Rutebeuf (1230-1285) :
Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Ce sont amis que vent me porte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta
Avec le temps qu'arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n'aille à terre
Avec pauvreté qui m'atterre
Qui de partout me fait la guerre
Au temps d'hiver
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte
En quelle manière
Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m'était à venir
M'est advenu
Pauvre sens et pauvre mémoire
M'a Dieu donné, le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit au cul quand bise vente
Le vent me vient, le vent m'évente
L'amour est morte
Ce sont
amis que vent emporte
Et il ventait devant ma po
rte
Les emporta

A tous ceux que j'aime, que le vent n'a pas emportés...

********

lundi 12 septembre 2011

le temps des noisettes, ou l'arbre aux souvenirs

A chaque saison des noisettes, je repense à ce poème libre écrit il y a bien longtemps, j'avais alors à peine 20 ans. Problème : à part les maladresses de style dans ce genre à part entière, ou plutôt entièrement à part, j'ai l'impression, au fond, que je n'ai pas changé !!! Que faut-il faire pour que je devienne adulte, enfin... Bon, ce n'est pas le chat qui va m'aider !!!

Le temps des noisettes
est à jamais mort
Et bientôt très rapidement
l'image d'une petite fille
au regard pur que tu as cru aimer
s'estompera tout aussi sûrement
dans les brumes d'un hiver
dont je ne verrai pas
au fond de moi-même la fin

Tous les soleils qui ont brûlé
hier et jusqu'à présent
n'ont laissé de trace
ni dans mon âme tourmentée
ni sur mon corps languissant
J'ai tout laissé
dans l'oubli des jours bleuissant
et demain ceux qui m'ont adorée
ou sans doute même haïe
m'oublieront également

Pourtant un jour
au soir de mon âge
je revivrai peut-être
pour ces rêves enfouis
dans les sentiers broussailleux
des chimères de mon enfance
pour ces rêves purs de beauté
et de solitude choisie
un dimanche où j'ai existé
où tout mon être
a vibré à ta musique
à ta charmante sérénité

Dans le présent du temps
j'avais pu me mouler sans effort
aux vibrations de tes sons
que j'avais senti fondre en moi
comme une source de réconfort
s'écoulant de ta douce chaleur
ces soirs de grand vent retors
où dans le silence et la paix
je t'avais rencontré

Depuis quand
nous sommes-nous séparés
Je me suis égarée
dans l'obscurité du soir
qui m'a tant effrayée
affolée je n'ai pas osé
revenir sur mes pas hésitants
fonçant toute recroquevillée
vers de nouveaux espoirs

Te souviens-tu de ce jour
où nous nous sommes retrouvés
La douceur de l'été
la nuit calme et protectrice
la Seine belle et ténébreuse
Paris qui nous souriait
les gens qui saluaient
nos rires et notre joyeuseté
tout laissait accroire
que l'attente et l'espoir
n'avaient pas été vains
nous faisions confiance
au temps et à ses lendemains

Mais peu à peu
au cours de nos brèves rencontres
- qui n'en furent pas d'ailleurs –
où nos regards un peu perdus
s'égaraient dans le jour brumeux
j'ai senti comme toi-même
que le fil musical s'était rompu

Aujourd'hui je vais je viens
sans trop savoir ce que je cherche
mais peut-être que demain
je cueillerai à nouveau
de jolies fleurs de pluie
pour les accrocher
à l'arbre aux souvenirs.

à B., mon ami de toujours


Dure, dure, la vie d'artiste, quand on vit avec un chat !